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Publié le par Barbara Schuster

 

L'un des points positifs de tout ce procès à la noix, c'était le transfert. Comme on devait être au tribunal vers 9h, tout le monde était regroupé à la maison d'arrêt du coin. Durant l'instruction, on s'était tous retrouvés éparpillés aux quatre coins du grand est. J'avais même fait un séjour inoubliable à Epinal. Le bonheur. On devait être 17 nanas pour 400 mecs.

Jamais de soleil, jamais de visites. Et ces putains de Vosges pas loin, la nature... histoire de nous faire gamberger encore plus.

L'administration pénitentiaire n'allait pas tous nous fourguer dans la même cellule, mais j'avais quand même droit à la compagnie d'Alexia. Et putain, c'était le pied comparé aux dépressives que j'avais croisées jusque là.

Elle tenait bien, un vrai roc. Egale à elle-même. Dans notre team de branques, c'était la plus costaud. Les autres étaient tous des branleurs ou des craqueurs en puissance. J'avais pas assez de doigts sur mes deux mains pour compter tous les lascars de la bande qui avaient chialé durant leur première nuit de détention. Mais pas Alexia. L'étoffe d'une patronne.

Le premier soir on s'était retrouvées toutes les deux dans cette putain de piaule spéciale transfert. Des mois qu'on s'était pas vues. J'avais pas eu beaucoup de news d'elle depuis mon placement en maison d'arrêt. Seul Pti Ka l'avait croisée un jour au tribunal et m'avait dit que « la sista allait bien ». Il l'adorait, comme tous les autres homeboys.

La seule chose que je savais, c'est que c'était une des seules qu'avait pas fait de demande de mise en liberté. Avec moi. Pas la peine de respirer à nouveau l'air des Mailles s'il fallait retourner en zonzon juste après le procès. Je préférais niquer un maximum de mois en cabane.

Comme disait Fisch, « ce qui est fait n'est plus à faire ».

J'avais peur que d'un truc avec Alexia. C'est qu'elle m'en veuille à mort. Après tout, j'étais à la source de tous ses ennuis. Et je m'étais tapée une autre gonzesse au moment précis où elle était tombée amoureuse de moi. Flippant.

Et en fait, que dalle.

Elle était déjà dans la cellule quand j'étais arrivée.

Mon train depuis Epinal avait eu du retard. Tant mieux, j'avais adoré le voyage. Même si c'était un peu la loose d'être au milieu d'un wagon, avec deux gendarmes assis à côté et des menottes aux poignets. Les gens mataient et devaient s'imaginer tout un tas de conneries. Je m'en branlais. Pour la première fois depuis des mois, je voyais un peu du pays. Vive la cambrousse. Je me gavais d'arbres, de champs, de prairies. Moi qui ne sortais jamais des Mailles avant, j'étais devenue accro à la campagne.

Putain d'incarcération, à te rendre maboule.

J'avais débarqué cellule 11b et je l'avais vue, allongée sur un pieu en fer de merde. Alexia. Elle avait pris du muscle. Et rasé ses cheveux. Impressionnant. J'étais pas certaine que ce soit le top pour les juges. En attendant, elle aurait fait bander un mort.

- Patronne... ça fait un bail non ?

- Putain Alexia. Comment ça me fait plaisir de te voir. Sans déconner...

Et bla et bla. On avait fait les mères commères. Parlé de tout sauf de notre putain d'affaire. Et ensuite on avait fait ce qu'elle attendait depuis des années. On avait tiré un coup. J'imagine qu'elle rêvait d'un truc plus romantique, le jour où elle m'avait branchée à l'arrêt de bus dans sa tenue de caissière. Mais notre vie n'était pas un putain de roman. On avait fait l'amour comme des sauvages sur un lit cradingue, avec certainement une gardienne entrain de se rincer l'oeil derrière la porte.

Rien à foutre

Pas grave. C'était trop bon. 9 mois sans baiser putain.

- J'en avais besoin. Je crois. Pour boucler la boucle.

C'était ce que m'avait dit Alexia, rien de plus.

Et basta.



J'avais pas fermé l'oeil de la nuit. Cette fois, ce n'était pas la faute à Alexia. J'allais revoir Isabelle et ça me détruisait nerveusement. Ces enfoirés de juges allaient passer ma vie au microscope.

Me Fischer m'avait prévenue.

- Ils vont tout déballer, tu le sais bien. Le mieux, c'est encore de raconter la vérité, tu sais. Sans trop en rajouter. Mais je te préviens, la présidente, elle est réputée pour passer pas mal de temps à l'église. Alors les histoires de gonzesses tu vois... dis la vérité, mais mollo... ne la ramène pas top. Pas trop de détails, ça ira bien. Et si tu peux oublier quelques-unes de tes ex dans ton innombrable liste...

- Oh Fisch ça va. D'abord la liste n'est pas si longue, loin de là et puis bon... tu crois vraiment que ça m'éclate de raconter ma life devant une salle bondée de nazes de la cité ?

Et mon putain de tour était arrivé.

- Mademoiselle Braun, veuillez vous lever.

J'avais d'abord du dire qui je connaissais des grouillots qui étaient avec moi dans le box. J'avais cité tous ceux qui avaient reconnu. Cuite pour cuite, j'avais décidé d'assumer mes responsabilités. J'allais pas changer de tactique. Puis elle attaqua avec quelques questions sur les faits. C'était pas très compliqué.

- A combien estimiez vous vos revenus annuels ?

- Annuels ? Difficile à dire. Je dirais environ 3 à 4000 euros par mois. Je sais pas trop, je me suis jamais vraiment intéressée à l'argent.

Elle tiqua, relut un papier qu'elle avait devant elle. Son assesseur de droite lui parla à l'oreille.

Elle hocha une nouvelle fois la tête.

- Pourquoi vous êtes vous lancée dans la revente de drogue, si ce n'est pas pour l'argent ? On a du mal à comprendre...

Je soupirai.

- C'était pour l'argent bien sûr. J'étais au chômage, sans formation. Mais ce que je veux dire, c'est que je ne pensais pas un instant que ça pouvait prendre de telles proportions. C'est devenu un engrenage.

- Un engrenage ? Vous pouvez développer ?

- Plus de clients, de plus grandes quantités, plus de monde impliqué, et toujours plus de fric... la machine a grossi toute seule. Moi au départ, je voulais juste un peu d'argent pour vivre. Et du shit pas cher.

La présidente fronça les sourcils.

- Mademoiselle Braun, vous n'êtes pas idiote. Vous auriez pu travailler, tout simplement.

- Oui. J'aurais pu livrer des pizzas, bosser à la caisse, faire de l'intérim. J'aurais pu. Mais...

- Mais quoi ?

- Les Mailles m'ont rattrapée.

Elle ne dit plus rien.

- Asseyez-vous. Monsieur l'huissier, faites entrer le témoin s'il vous plait.

Ma mère. Une loque. C'était prévisible.

Elle raconta à peu près n'importe quoi. De toutes façons, dans l'état où elle était, elle ne captait pas la moitié des questions. Toute l'audition dura à peine trois minutes.

- Vous allez voir votre fille depuis qu'elle est en détention ?

- Non. Je peux pas. Vous savez, j'ai de graves problèmes de santé.

Même à mon procès, fallait encore qu'elle se tire une tronche de victime. Putain.

J'avais donné à mon avocat une liste de noms de gens que je connaissais, qui pourraient éventuellement témoigner en ma faveur. Pratiquement tout le monde se défila. Surprise, la serveuse de Chez Albrecht était présente. Je recherchais son prénom.

La présidente le retrouva pour moi. Nadia.

- Vous jurez de dire la vérité et rien que la vérité. Dites je le jure.

Parfois, j'avais l'impression d'être dans une mauvaise série.

- Qui connaissez vous dans le box ?

Nadia tourna la tête et sourit. Toujours aussi charmante.

- Je connais Agnès Braun, monsieur Rasta, désolée, son vrai nom je ne le connais pas et monsieur Hassan. Mais lui, je le connais juste de vue. Il ne venait pas aussi souvent que les deux autres.

Elle raconta qu'on lui laissait toujours des pourboires généreux et qu'on était très sympas. Souriants. C'était plutôt une bonne surprise.

- Et vous saviez ce que vos clients faisaient dans la vie ?

- Non. Je ne me doutais de rien. Je savais qu'ils venaient des Mailles mais le reste...

- Merci mademoiselle. Des questions ?

Pas de question, témoin suivant. C'était prévu pour durer toute la matinée. Pour que les juges puissent nous cerner. Alors que putain, qu'est ce que ça pouvait bien changer ? On allait prendre nos 10 ans et voilà. Je voyais pas pourquoi la justice se faisait encore chier à nous demander si oui ou non on avait eu le BEPC.

Pause.

La salle d'attente était envahie par la fumée de clope. Les avocats se marraient, en bouffant des bonbons Ricola sans sucre. Quel cirque.

Isabelle ne devrait plus tarder maintenant.

Je tapais la discussion avec Hassan. Il était d'un zen incroyable. La journaliste du canard local était là aussi. En sortant des chiottes, je lui demandai si elle avait déjà fait un article sur nous.

- Oui. Désolée. Il y a même une photo.

- Ne soyez pas désolée. Je vais enfin être célèbre et sans avoir fait la Star Ac... Il déjà est paru votre truc ?

- Oui, on fait un article tous les jours vous savez, comme pour un procès d'assises.

- Vous l'avez ici le journal ? Je suis curieuse de lire ça.

- Non. Mais je vous le ramène cet après-midi si vous voulez.

Elle fit une grimace.

- Vous n'allez peut être pas apprécier...

- C'est possible. Je vous dirai ça.

Je fis un clin d'oeil, parce que cette petite journaliste était marrante.

Puis un bruit de clés. La porte du fond qui s'ouvre. Un flic. Et derrière Isabelle.

Au même moment, la sonnerie. De retour dans la cage aux fauves. J'avais à peine eu le temps de croiser son regard.

Tout le monde se rassit, dans un cliquetis de menottes qu'on ouvrait. Saveljic semblait s'enfoncer de plus en plus sur son banc. Pti Ka et Hamidou n'arrêtaient pas de parler, tout en faisant des signes à leurs potes dans la salle dès que l'occasion se présentait. Az et Rooks ne mouftaient pas. Des vrais pros. Avec Rasta, on s'était pas trompés sur leur compte. Leur carrière dans le biz ne faisait que commencer.

Puis Isabelle entra dans la salle. Toujours aussi magnifique. Dans un tailleur discret, les cheveux tirés. Elle ne jeta pas un regard vers moi et posa son sac sur le banc de la presse.

Après la prestation de serment, la présidente embraya sec.

- Vous avez été mise hors de cause dans cette affaire. Mais au départ, vous avez été entendue, en raison de vos... liens avec Agnès Braun. Exact ?

- Oui. J'ai été mise en examen, placée sous contrôle judicaire. Et j'ai obtenu un non lieu.

- Quelle était la nature des liens qui vous unissaient à mademoiselle Braun ?

Isabelle baissa les yeux. Je savais par mon avocat que pas mal de monde avait jasé, en ville. Après mon arrestation, les langues s'étaient déliées. Et pas mal d'amis d'Isabelle, même ceux qui m'aimaient bien, avaient retourné leur veste. Normal. Elle avait dû en chier.

- Nous avions des liens affectifs.

Cette fois, c'est la présidente qui semblait un peu mal à l'aise. Je matais toujours Isabelle. Elle était forte, elle allait pas se laisser faire.

- Quand et comment avez-vous rencontré mademoiselle Braun ?

- Dans un bar. J'étais avec des amies, elle était avec un ami. On a bu un verre. Et voilà. Ensuite, on est devenues plus intimes.

- Votre relation a duré combien de temps ?

- Jusqu'à notre interpellation.

Isabelle baissa les yeux.

- Je sais pas, je dirai... deux ans, un peu plus.

- Vous saviez quelles étaient les activités de votre compagne ?

- Au début de notre relation, non. Elle m'avait même donné un faux nom.

Isabelle souriait en repensant à cet épisode. Moi aussi. Putain, j'en avais fait des trucs foireux.

- Mais vous avez rapidement su la vérité ?

- Oui. Assez rapidement. Je pense qu'elle m'appréciait et comme ça se passait bien entre nous, elle ne voulait pas me mentir. Je crois que c'est ça. Je me souviens qu'on avait eu une discussion à ce sujet, mais quand exactement, je ne sais plus... c'est loin vous savez. Mais posez lui la question, je pense qu'elle est plus à même de vous répondre.

Pour la première fois, elle tourna son visage vers le box. Putain, je la kiffais toujours autant. Même plus qu'avant je crois.

La présidente relisait vaguement ses notes.

- Madame Arnaud... vous avez déclaré lors d'une audition devant la police que vous aviez essayé de dissuader Agnès Braun de poursuivre ses activités illicites. Vous vous en souvenez ?

- Oui. Je lui ai dit à plusieurs reprises qu'elle prenait des risques. Que si elle arrêtait de dealer,je pourrai peut être l'aider à trouver un autre job. Elle aurait même pu vivre avec moi sans travailler, je lui avais proposé. Mais se faire entretenir, c'était pas du tout son genre.

- Donc, elle n'a jamais envisagé d'arrêter de vendre du cannabis ?

- Si. C'était même une litanie. Elle disait tout le temps qu'il fallait qu'elle arrête de fumer, de vendre. C'était son désir. Mais je pense qu'elle ne voulait pas que je l'aide pour ça, tout simplement. Elle avait sa fierté. Et de la loyauté, aussi, en quelque sorte. Pour elle, abandonner la revente, c'était aussi abandonner ses amis des Mailles. Ses amis d'enfance. C'était dur à envisager.

- Et malgré cette vie de délinquance, vous êtes restée avec elle ?

- Oui. Parce que je... je l'aimais. Le reste, le trafic... c'était sa vie. Je n'avais pas la prétention de la changer.

La présidente regardait toujours Isabelle avec un air indéfinissable.

Putain, j'étais fière de ma meuf. Elle assurait trop. J'avais les larmes aux yeux, mais c'était hors de question que quelqu'un me voie craquer dans cette putain de salle d'audience.

- Vous fumez du cannabis ?

Isabelle sourit.

- Non. Je n'ai jamais fumé. Je pense que les analyses sanguines au dossier ne disent pas le contraire.

- Et vous avez supporté de vivre avec une toxicomane ?

- Oui...

Je vis les mains d'Isabelle agripper le montant en bois. Ses jointures étaient blanches.

- ... vous savez madame la présidente, Agnès a eu une enfance très difficile. Je pense que vous connaissez la violence de son père et tout... tout ce qu'elle a subi. Moi, j'ai toujours vécu protégée par mes parents, mon milieu social. Dans un cocon. Vous comprenez la différence ? Je ne me serais jamais permis de lui faire la morale et encore moins de lui demander de changer de vie. De quel droit ?

Il y avait un silence de mort dans la salle. Peut être parce qu'Isabelle parlait tout bas et que même les racaillous du fond voulaient entendre ce qu'elle avait à dire.

J'avais essayé d'interdire à mon avocat de parler de mon enfance. Je ne voulais pas qu'on s'apitoie sur mon sort. Mais Isabelle. Elle seule pouvait le faire après tout. Mieux que tous les psy à la con qui devaient encore nous décortiquer le cerveau.

Putain.

Quelle merde ce procès.

- Comment envisagez-vous l'avenir ?

Isabelle soupira.

- Ca dépend beaucoup de vous, de votre décision. J'attends depuis 9 mois de savoir de quoi sera fait mon avenir. S'il faut attendre, j'attendrai. Je l'aime toujours.

La présidente ne dit rien, tout en se tortillant sur sa chaise.

- Bien. Des questions ?

Mon avocat se lança. Il réussit à faire dire à Isabelle que j'étais attentionnée, intelligente, calme. La totale.

C'était cool.

Je prendrai quand même 10 ans. Mais durant quelques minutes, on avait arrêté de me verser des torrents de boue sur la tronche.

Rasta était à côté. Il me serra doucement la main, sous l'oeil nerveux du flic. Il croyait quoi ce bâtard, qu'on allait se refiler un joint de beuh ?

- Jah est avec toi patronne.

En matant Isabelle, je repensais à toutes les fois où... merde. On aurait dû en profiter encore plus. Mais à cette époque, je ne voulais pas croire au bonheur. J'avais toujours cette drôle d'impression d'être l'escroquerie de service. Je comprenais pas comment elle pouvait être heureuse avec moi. On était tellement différentes l'une de l'autre.

J'étais con en fait. Il aurait juste fallu que j'en profite, au lieu de me poser des questions à deux euros.

Trop tard.

Il était presque 13h et c'était la pause déjeuner.

Au moment où je passais dans le couloir, direction les cellules du tribunal, elle était plantée là.

J'étais trop mal. Elle avait les yeux rougis, un mouchoir à la main. Je me dirigeai vers elle. Pas de chance, j'étais accroché à un âne à moustache qui voulait pas se faire niquer sa pause de midi.

- Et tu vas où là ?

Il tira sur les menottes. Les crans me mangèrent les poignets. Enculé. Puis il vit Isabelle, en train de chialer.

- Bon ça va... je te laisse cinq minutes, pas plus.

Il se mit un peu en retrait. J'aurai voulu prendre Isabelle dans mes bras, mais pas moyen avec des menottes dans le dos. Elle m'attrapa et me serra.

- Agnès. Tu m'as trop manqué. Non. Tu me manques trop. J'étais tellement inquiète de ne pas avoir de tes nouvelles tu sais... Je pensais que tu ne voulais plus me voir.

- Je t'ai écrit plusieurs lettres. J'ai appris hier qu'elles ont été saisies par la juge. Cette salope. C'est Fischer qui m'a dit ça. Merde Isabelle, excuse moi. Je suis tellement désolée d'avoir foutu ta vie en l'air tu sais. Il ne faut pas que tu m'attendes, surtout pas. Je vais prendre 10 ans putain. Tu le sais. Je veux pas que tu m'attendes.

Elle me regarda avec un air encore plus désespéré qu'avant.

- Alors... tu ne m'aimes plus ? C'est fini ?

Cette fois c'est moi qui me mis à chialer.

- Si putain. Je crois que je t'aime plus que jamais. Tu es tout pour moi, merde. Mais je veux pas de ça... de cette vie, des trois baisers que tu pourra avoir au parloir une fois par semaine. Putain Isabelle je suis rien qu'une merde, tu mérites mieux que de faire des aller-retour en zonzon. Essaie de m'oublier. Fais le pour moi. Refais ta vie, sois heureuse. C'est ce que je veux.

On pleurait toutes les deux. Putain de cauchemar.

- Tu sais Isabelle, j'ai vraiment été heureuse avec toi. Plus que je ne l'ai jamais été avant. J'aurais dû te le dire vingt fois, mais tu me connais, je sais pas dire ces trucs là.

Le flic s'approcha. Isabelle m'entourait de ses bras et je sentais ses larmes qui coulaient dans mon cou.

Merde.

- Je ne peux pas.

- Tu peux pas quoi Isabelle ?

- Je ne peux pas te laisser tomber. Impossible.

- Il le faut. Tu vas te détruire sinon.

- Et toi ?

- Je suis encore en vie, tu vois. Ils m'auront pas, même si on me colle 60 ans. Parce que tous les jours je pense à toi et j'espère que tu es heureuse et ça me suffit. Tu vois on dit que je suis une tarée qui tire sur des gens pour de l'argent, qui vend de la drogue. On dit que j'ai pas de morale, que je suis une psychopathe et je sais pas quoi encore...

Je séchais mes yeux d'un coup de manche, avec l'épaule.

- .. putain Isabelle il n'y a que toi. Tu es la seule à avoir jamais cru en moi, à voir autre chose que ces conneries que tout le monde dit depuis le début. Tous les autres gens qui ont cru en moi, ils sont dans ce putain de box avec moi. Sauf toi.

Je m'embrouillai, je savais plus ce que je disais. C'était horrible. Je vis le keuf s'approcher et me dire « faut y aller mademoiselle, sinon je vais me faire engueuler ». Isabelle voulait plus se décoller.

Merde. Putain de mélodrame.

- Je reviens demain Agnès. Cet après-midi je ne peux pas.

- Ne viens pas si ça te fait trop de mal. Je t'en prie. T'entendras que des saloperies sur moi demain, avec les réquisitions et les experts psy. Que des trucs chelous.

- Je m'en fous. Je sais qui tu es, pas besoin d'eux. Mais il faut que je te voie.

Le flic me tira par la manche. Jusqu'à l'escalier.

Rideau.

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